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Les Aventures de Renard curieux

Dessin d'Hergé pour le "Boy Scout belge"Au commencement était Georges Remi. Bien que Georges Remi ait, lui aussi, porté le béret (et qu'il l'ait même généreusement enfoncé sur les oreilles), il ne s'est probablement jamais prit pour Quick. Bonne éducation oblige. Et, en dépit de ses attaches ancestrales (qu'il tenait de sa grand-mère maternelle) avec les Marolles, le quartier le plus typique du Vieux Bruxelles, Georges n'a pas vécu le enfant, le quotidien de Flupke. Peut-être l'a-t-il souhaité.
On ne sait si, plus tard, Hergé a joué à ressembler à Tintin, ou si, au contraire, Tintin s'est plu à copier Hergé. La chose mérite évidemment qu'on s'y attache. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est qu'avant d'être Hergé, Georges Remi était Totor. Tout comme le chef de patrouille des Hannetons, il était un jeune scout fûté, réservé parfois, avisé toujours. Et, comme Totor, il a pu exercer au sein de sa patrouille les plus évidents de ses dons personnels.
Hergé le dit lui-même, son enfance s'est caracterisée par une réelle abscence de fantasie. Il n'y trouve aucun incident notable. Pas d'anecdote significative: un vague souvenir relatif au dessin, sans plus.

«Mon enfance me paraît très grise. J'ai de souvenirs, bien sûr, mais ces souvenirs ne commencent à s'éclairer, à se colorer, qu'au moment où j'ai découvert le scoutisme». (1)

Le jeune Hergé (à droite)
Bien qu'Hergé ait décrit ses années avant la rencontre de Tchang comme un temps de grisaille, la vie de camaraderie et d'aventures du scoutisme fut pour lui la découverte d'un monde de rêveries et de réalités. Il y trouve une morale qui le soutiendra durant sa vie : non pas une morale close mais de plus en plus ouverte et tempérée par l'humour. "Si Tintin est un moraliste, c'est un moraliste qui ne se prend pas au sérieux, car l'humour dans mes histoires n'est jamais bien loin". (2)

Tintin est un scout éternel, toujours prêt à défendre les petits et les démunis, accomplissant comme naturellement sa B.A. quotidienne. Hergé affirmait : "Il me semble avoir toujours défendu des principes de justice et de paix". (2)
Et les aventures de Tintin sont la B.A. inoubliable, qu'il offre aux enfants de la Terre et à ceux qui sont restés.

«Le scoutisme m'a donné le goût de l'amitié, l'amour de la nature, des bêtes, des jeux. C'est une bonne école. Tant mieux si Tintin en garde la marque. Elle ne l'empêche pas de vivre avec son temps...». (1)

Si Hergé s'est investi totalement dans le scoutisme, il est resté à l'extérieur des mouvements d'Action Catholique : jeunesse étudiante et jeunesse indépendante. S'il a collaboré à leurs revues et éditions diverses, c'est parce qu'il avait là l'occasion de développer ses talents de dessinateur, et par fidélité à ses compagnons d'adolescence et de collège.

"Je m'aperçois aujourd'hui que je n'ai jamais eu réellement ce qu'on appelle la foi"
"
L'idée de Dieu est une merveilleuse idée. Mais je n'en sais rien". (2)

(1) Interview pour Le Monde du 15 février 1973.
(2) Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1971.