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Tintin accomplit "mes exploits, à ma place". Il réalise les rêves d'Hergé. Grand reporter, il part pour l'U.R.S.S. dans l'intention de dénoncer le régime soviétique. Dès le début, il est attaqué ; tout au long de son périple, il prendra des coups et en rendra. Ce n'est pas la Russie elle-même qu'il en a, mais au pouvoir malfaisant et tricheur : il n'est, en effet, agressé que par des agents portant l'uniforme.

Dans les quatres premiers albums, en Russie, au Congo, en Amérique et en Orient, Tintin est l'incarnation du bien. Il veut imposer ses valeurs, son absolu à la Terre entière. Il est brave, prudent, sobre, infatigable, astucieux, imperméable au mal, solitaire comme l'héros, fuyant la vie monotone, recherchant une impossible perfection comme Don Quichotte. Il comprend, organise, agit. Dieu est avec lui. Sans cesse, des miracles le sauvent du mauvais pas. Le monde extérieur se plie à l'omnipotence de Tintin. Sa version du monde est simple, manichéenne : il représente la vérité et en lui il n'y a que vérité, "les bandits de toute espèce" sont le mal. A la fin de ses aventures au Congo, il est un demi-dieu changé en statue.

«Dans mon esprit, Tintin a vielli de 3 ans ; il doit avoir dix-huit ans alors qu'à sa création, il en avait quatorze ou quinze, ceci afin de permettre au lecteur du "Petit Vingtième" de s'identifier à son héros».

Tintin est l'enfant au service des adultes et tous les petits du monde qui rêvent d'être nécessaires aux grandes personnes et sauveurs se reconnaîtron en lui.

Avec "Le Lotus Bleu", Tintin devient adulte. Il dépasse son narcissisme personnel. Il s'ouvre à l'Autre. Il coopère et cesse d'utiliser, il regarde, il écoute, il s'enquiert, il s'ouvre au monde. Il devient notre semblable, avec ses failles et ses naïvetés, avec ses angoisses et sa bravoure. Il est capable d'amitié et il pleure. La Chine et le Pérou qu'il rencontre sont des pays authentiques : il en épouse les problèmes, se faisant chinois avec les Chinois et indien avec les Indiens.

S'il continue à voyager, c'est qu'il est un homme de coeur : l'humaniste du futur, universel. Et tous les enfants de la Terre le reconnaissent comme l'un des leurs et exemplaire. On oublie qu'il est de Bruxelles parce qu'il est du monde. Et nous parcourons la planète avec lui pour connaître les autres, nos frères humains : il démystifie les pouvoirs, fait tomber les masques, décripte le réel, cherche le sens, dénonce les systèmes économiques infames, se place toujours près du faible et des manipulés.

Cependant, à partir de "L'Oreille Cassée", ce qui importe le plus ce ne sont pas les aventures de Tintin, mais le monde autour de lui et les avatars de notre époque. Ces fictions deviennent réalités parfois préminitoires et livres d'histoire.

«Tintin a évolué au fil des ans, comme j'ai évolué moi-même du point de vue psychologique». (¹)
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(¹) Revue Minuit, nº 25, 1977.