"Les grandes aventures sont intérieures". (1)
Il y a Hergé, le
dessinateur, le technicien perfectionniste de la ligne
claire la plus intense. C'est plus tard, devant
l'intérêt que les critiques portent à son oeuvre qu'il
prend conscience. "Je crois qu'il a moyen, à propos de Tintin,
d'aller plus loin qu'on ne fait jusqu'à présent"..(3) |
Il avait, d'une manière aiguë,
le sens de l'humour : "J'ai
bien reçu les dessins du père et du fils. Mais les dessins du
St-Esprtit, en ce qui concerne votre petit garçon, me semblent
encore impénétrables". (6)
Il n'aime pas les exploits militaires, quoiqu'il admire
l'héroïsme dont ils témoignent. (4)
Il est attentif aux signes et aux rêves et
quand, en 1950, pour cause d'une maladie, il s'absente pendant 18
mois du journal Tintin, il abandonne son héros sur son lit
d'hôpital.
Il aime "le rouge-gorge, le rouge et la rose". Il la
cultive et l'offre à une femme.
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"Quel est l'artiste qui se déclare satisfait de ce qu'il vient de faire ? C'est cette insatisfaction perpétuelle qui est féconde pour son oeuvre. Mais pour lui, quels tourments, quelle inquiétude, quels doutes !" (7)
Hergé sait la tension, l'angoisse, le bonheur, la fatigue du céateur. Toutes les semaines, il lui faut remettre sa copie ; les lecteurs sont là, avide et sans pitié. Ce psychodrame que sont les aventures de Tintin impose un investissemnt de tout l'être. "En me lançant à corps perdu dans mes histoires, je m'exprime totalement". (8)
Bien sûr, c'est Hergé qui mène ses personnages et tire les ficelles. "C'était moi le petit bon Dieu". (2) Mais, dans le même temps, il est tiraillé par eux, sans répit. Aussi, connaît-il des nuits de brouillard, des jours de pluie et de tempête. En 1949, 1950, il laisse là ses personnages pour se reposer. Les héros ne sont jamais fatigués, ni malades, ni déprimés, mais lui n'est pas héros, il est humain. "Je suis comme Haddock, parfois colérique, même véhément, maladroit et aimant un bon verre". (2)
Si Tintin n'a pas de famille, sauf celle qu'il s'est choisie et qui ne pèse pas pour lui, Hergé a sa famille de papier qui le pousse, le menace et l'entraîne dans des rondes effrénées. Pour se libérer et l'aider dans son travail, il fonde le 6 avril 1950 les Studios Hergé. Et il pourra dire en 1979 : "Le plaisir de raconter des histoires en dessinant n'a pas changé, ma joie demeure". (9)
(1) Hergé, lettre à D. Bourgeois, 1978.
(2) Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1971.
(3) Revue Minuit nº 25, 1977.
(4) Réponses au questionnaire de Proust, 1970.
(5) Lettre à J. Vercruysse, le 26.6.1975.
(6) Lettre à Luc C., le 7.2.1950.
(7) Hergé, lettre à P. Cuvelier, 1949.
(8) La Libre Belgique, 1975.
(9) La Libre Belgique, 1976.
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